jeudi 7 mai 2015

Les plans des marins s'écrivent dans le sable à marée basse...

Cherchez Shalimar/ Look for Shalimar

Voilà bien longtemps que je n'ai pas alimenté le blog et il faut que je m'y mette j'ai des photos magnifiques à partager de la visite de mon frère. J'ai commencé à écrire ce billet mais je ne l'ai jamais fini, et la raison majeure à cela c'est le stress. Je pensais rentrer toute fraîche de notre petite escapade mais je me suis en réalité pris une sacrée claque. Revenir au bateau, voir tout ce qu'il restait à faire avant de pouvoir partir, stresser parce que mai arrivait vite, voir le temps se détériorer plus on avancait dans l'automne... Ca m'a vidée de mon énergie avant même que je ne relève mes manches. Ce n'est pas moi qui fait le plus gros du travail, mais quand je m'inquiète comme ça je me demande : "quand? Combien de temps? Et pour ci et pour ça?". Et en général ça n'aide pas le capitain qui aime compléter une tâche après l'autre et qui se sent noyé dans la masse si l'on établit des calendriers et des deadlines.
En Mars on avait en quelques sortes accepté que Stella et moi ne ferions pas le voyage de l'aller avec lui et qu'il lui faudrait trouver un équipier. Un mois ou quelqeus semaines ça ne semblait pas être suffisant pour que l'on se sente tous à l'aise pour une traversée qui peut être aussi difficile et exigente. Le bateau aurait été tout juste prêt à naviguer. Nos nouvelles voiles arrivent la semaine prochaine, on a un nouveau traceur de cartes/radar, des panneaux solaires à rajouter... On aurait été prêt à naviguer mais sans les deux réparations que nous espérions faire cette année : remplacer le gouvernail (partie en bois immergée qui nous permet diriger le bateau), et remplacer le tableau arrière du bateau (partie en bois à l'arrière du bateau où est inscrit le nom du bateau) n'ont pas pu être effectué à cause de travaux qui se sont éternisés sur le chantier avec un autre gréement. Nous avons trouvé ici un artisan , Noel Barott qui est très calé sur son sujet et on ne veut pas vraiment aller voir ailleurs, parce que d'une, ce n'est pas facile de trouver quelqu'un de qualifié qui peut, et dessiner la nouvelle pièce et la construire et de deux, c'est une pièce d'une importance capitale que l'on ne peut pas confier à n'importe qui. Ces deux pièces ont montré des signes de fatigue et détérioration à certains endroits. On allait quand même se lancer, car on ne veut pas rééllement perdre la caution que nous avons déposé pour le bateau, mais on a alors appris deux autres mauvaises nouvelles. On ne peut rester en Nouvelle Calédonie que 3 mois et il y a peu de chance pour ne pas dire aucune de pouvoir être en marina. Ryan est pour le moment trop pris par le travail, il ne peut s'absenter du projet sur lequel il travaille, on espérait pouvoir prendre un mois ou deux ou faire de long week-end mais ne pas être sûr de pouvoir continuer à travailler ce n'était simplement pas une option. Il faut comprendre que Ryan a besoin d'une bonne connection internet pour travailler (type utilisation d'une vidéo skype) et que c'est parfois laborieux ici en Nouvelle Zélande alors sur les îles c'est encore autre chose. La deuxième difficulté réside dans la consommation d'électricité, 8h d'ordinateur c'est une consommation immense lorsqu'on est pas relié au courant de la marina!
Toutes les difficultés se multipliant, Ryan a proposé un soir que nous quittions la Nouvelle Zélande pour 6 mois afin de remettre nos visas personnels à zéro et de revenir en ayant 6 mois pour tout finir avant que la nouvelle saison de voile ne s'ouvre. Et tout de suite j'ai commencé à cogiter, mais ça ne m'a pas paru dingue, après quelques heures de calculs et de discussion, nous en sommes venus à nous dire que c'était probablement la meilleure solution pour notre famille au vu de la situation. Quand on additionne les approximations et les "on fera avec" au bout d'un moment ça fini par ne faire plus sens et c'est ce qui est arrivé pour nous.

J'ai été soulagée qu'une décision ait été prise que l'on sache où on allait aller et même ravie de retourner voir ma famille et mes amis mais je m'inquiète aussi d'être si loin de notre "maison" si longtemps, spécialement pour Stella qui va quitter son environnement habituel, intérieur et extérieur. Et une petite part de moi s'inquiète aussi de savoir si mes batteries vont être bien rechargées, si je vais revenir ici dans 6 mois et pouvoir me relever les manches ou si je vais me prendre une nouvelle claque.
Je trouve cette période est vraiment difficile, on travaille, on injecte des sous, on paye des factures et pour le moment rien au bout, rien d'autre que de nouvelles factures et encore beaucoup de tâches à réaliser à notre retour. Pourtant on y était presque, le jour où les mâts ont été réinstallés sur le bateau je me suis sentie si légère que j'ai cru que j'allais m'envoler. Chaque jour où une nouvelle pièce d'astillage est remise en place, ce bateau ressemble davantage à MON bateau et je me souviens de ce que je ressentais alors que nous naviguions, de cette liberté. Il faut que je m'accroche à ce sentiment, que je le chérisse, que je me souvienne qu'on y est presque, que je puisse laisser derrière moi ces mois de travail de fourmi et ce dépit qui c'était installé dans mon coeur pour ce bateau mangeur de temps, d'argent qui garde pour le moment nos rêves à quai.
Le chemin est long et semé de "si on avait su", il va falloir ne pas regarder que mes pieds qui tatonnent et lever les yeux vers la lumière au bout du tunnel.

Alors Nouveau Monde et vieille mais tendre Europe, nous voici, on essaye de transformer notre décéption en expérience positive. On va profiter de la famille et des amis. Ryan va expérimenter la vie en France plus intsensément et prendre quelques cours de Français. Stella va voir sa grand-mère, ses oncles et Tantes et ses cousins au naturel et sans écran interposés, découvrir le patrimoine Français et voyager dans ce beau pays qu'est la France. Et moi, et bien je vais profiter de les voir évoluer dans cet environnement là, cette petite partie de mon "chez moi" fractionné, je vais rattrapper un peu de temps perdus avec les amis, j'espère passer du temps avec ma grand tante qui arrive sur ces 95 ans il me semble et je vais travailler à mes projets éditoriaux. Une maison d'édition que j'aime beaucoup m'a envoyé un courrier personnalisé encourageant, rien n'est gagné mais je suis sur le bon chemin, alors au boulot! Mais en gros on va vivre, profiter du break sur le bateau pour être ensembles, ralentir le rythme ou du moins c'est le plan. :)