vendredi 5 mai 2017

Les racines poussent


A l’été 2016 soit 6 mois après notre arrivée à Sd et l’annulation de nos plans Mexicains, les choses ont commencé à se décanter.
En mai afin de me sortir du marasme familial déclenché par le décès de ma grand-mère et de faire face à tous les changements qui survenaient dans nos vies, j’ai repris mes séances avec mon Art thérapeute francilienne. Ryan et moi avons décidé de regarder les locations, on avait envie d’espace et plus précisément d’espace pour créer, un jardin aussi car cela nous manquait. Il n’y avait pas grand chose à cette époque alors après avoir eu le coup de foudre pour une maison déjà vendue, on s’est penché sur nos finances pour voir ce qui était possible, avec un seul salaire et le bateau toujours en notre possession on avait un budget serré. Ca a été assez étrange car sur papier j’ai cru qu’on allait avoir le coup de foudre plus d’une fois et quand on visitait il y avait toujours quelque chose qui clochait. Finalement, alors qu’on s’était mis d’accord sur le fait qu’on allait réduire le nombre de visite s car on y passait la moitié de nos week-ends,  une petite maison de type  « Spanish Mission » est ressortie d’une recherche internet.

premier fruit de la passion!
Elle était plus modeste et petite que ce que nous avions visité auparavant, elle avait tout ce qu’on voulait sauf un garage atelier auquel on était vraiment attaché mais le prix relativement plus bas et un superbe patio/ salle à manger extérieure nous a quand même poussé à aller la voir. Devant la maison encadrée par deux arbres qui fleurissaient jaunes, j’ai eu un petit coup au cœur. Une fois entrée dans la cuisine ouverte avec ilot sur le petit salon avec parquet en chêne j’ai dit quelque chose du genre : « ça me plaît bien ici », la pièce était baignée de lumière. Tout n’était pas parfait,  deux des trois petites chambres sont en enfilade et trop petites pour être amputées d’un couloir ce qui n’était pas forcément très attractif même si on pense avoir trouvé quelques idées pour contourner cela. A l’extérieur, comme je l’ai déjà mentionné le patio ombragé sur lequel poussait des passiflores a achevé de nous convaincre. On l’a achetée comme ça sur un coup de tête, sur un coup de foudre et on n’a jamais regretté, on aime notre quartier, notre petit espace ( qui a quand même été multiplié par 10 entre le bateau et la maison) et surtout notre espace extérieur sur lequel nous avons presque exclusivement travaillé en dehors d’un trou dans le mur du salon pour ouvrir la perspective du salon sur la pièce de création (bureau et atelier de menuisier). On a ouvert sans vraiment s’attaquer aux finitions, ça choque parfois les gens (« whaou, vous avez un trou au milieu du salon ! »). 


En juillet j’ai eu une opportunité de travail dans l’une des universités de SD, SDSU. Le travail lié à la civilisation Française était vraiment intéressant, j’ai fait de la recherche, beaucoup de relecture du manuel et de la version plus light interactive sur ordinateur. Il fallait être polyvalente avec un jour une casquette de preneur de son, un autre celle de technicienne chargée de réaliser des extraits vidéos… Merci encore à F et L avec qui j’ai travaillé et qui sont devenus plus que des collègues de travail.
Parallèlement j’ai aussi travaillé avec une entreprise qui proposait de l’ESL (English as a Second Language) aux familles arrivant de France. C’était intéressant d’inverser complètement ma situation d’enseignant de Français en école d’immersion.
Plus tard j’ai fait quelques remplacements à l’école où j’avais travaillé avant de partir et trouvé des cours privés proches de chez moi pour des élèves de lycée qui apprennent le français.  A l’école de ma fille, French Montessori Preschool of SD, j’ai enseigné les arts en Français aux maintenant 5 classes de l’établissement. C’était vraiment intéressant de choisir un sujet de réfléchir aux différentes façons de l’introduire en fonction des niveaux.  J’ai aussi supervisé le spectacle de Noel et organisé une exposition sur le geste circulaire et le rond il y a quelques mois. Je suis très fière du travail effectué là-bas.





Dans un autre registre plus administratif, j’ai fait évaluer mes diplômes (le chemin du combattant) afin de pouvoir être reconnue comme professeur de français dans le secondaire et commencer à préparer le concours d’enseignement pour l’élémentaire ici en Californie (et oui il faut en passer par ça pour en arriver à enseigner au secondaire). L’école dans laquelle j’avais travaillé avant mon départ de Sd et pour laquelle je faisais quelques remplacements ici et là m’a proposé un contrat pour la rentrée 2017-18, j’en suis vraiment ravie. Il me tarde de reprendre un poste à temps plein, dans ma propre classe, mon propre espace, de retrouver mes collègues et amies et de contribuer davantage financièrement aux revenus du ménage.

En juillet alors que tant de choses se mettaient en place, Grandma Kim nous a quitté. Finalement elle l’a emporté avec elle ce cancer qui avait décidé de revenir la hanter après tant d’années de répit. La fragilité de sa santé et les rhumes incessants de Stella ne nous ont pas permis de passer suffisamment de temps avec elle, mais sa chaleur humaine et sa tendresse resteront avec nous à jamais. Nous l’avons vue rendre son dernier souffle et on s’est senti tout petit, ca s’arrête tout simplement comme ça. Ca nous a rappelé combien la vie était précieuse. Le plus dur a été de devoir l’expliquer à Stella. Moi qui ai perdu mon père si jeune, j’aurais tellement voulu lui épargner cette tristesse là pendant encore mille ans. Nous avons eu quelques mois difficiles avec une Stella appréhensive et préoccupée, qui avait très bien compris le caractère définitif de la chose, je crois que c’est ce qui m’a le plus frappée. Au final ça m’a permis de lui parlé de mon père, ce grand-père qu’elle ne connaît pas. On parle encore de Grandma Kim, on réussi maintenant à le faire  en se souvenant des bons moments et on n’oublie pas…





A cette époque, nous sommes aussi partis en famille pour la première fois  depuis que nous étions rentrés. Stella a adoré vivre dans une petite cabine sur le lac au centre du pays. On a passé du temps avec la famille de Ryan, pêché, nagé, mangé des smores (sandwich fait avec des biscuits, du chocolat et du marshmallow grillé) au feu de bois. Quand Grammie lui a demandé à Thanksgiving de quoi elle était reconnaissante cette année, le Minessota figurait en tête de liste. Elle nous demande souvent quand nous y retournerons ainsi qu’en France ou en Nouvelle Zélande. J’imagine que l’établissement de racine n’a pas fait disparaître son esprit d’aventure et j’en suis heureuse. Bientôt ma belle, bientôt !

Elle a eu 4 ans en mars et nous avons finalement cédé, la famille s’est agrandie avec une petite femelle labrador et je crois que c’est pour le meilleur, Stella l’aime tellement !

Voilà ça fait maintenant un an et quatre mois que nous sommes de retour. On se sent enfin à l’aise dans nos baskets, sur la bonne voie, J’ai l’impression qu’enfin on arrive au bout du tunnel, je dis « on » mais peut être devrais-je dire « je ».  Il y en a eu du chemin à parcourir, des remises en questions à faire.
California adventures, igloo building at Mammoth Mountain
Dolphin watching, SD harbor
Premier Halloween dans notre quartier
Randonnée à Mission Gorge

On nous demande parfois si le bateau c’est fini. C’est une question vraiment difficile à répondre. Pour le moment on s’installe à terre, on laisse nos racines prendre leurs aises, on profite de tout ce qu’il y a ici : les musées, les écoles multilingues, la famille, les amis. On veut lui montrer ce pays qui est le sien. On sait qu’on est là pour un moment. Maintenant qui sait ce qui se passera dans 5, 10 ou 15 ans ?


 Il n’y a pas si longtemps, nous sommes allés voir Moana au cinéma. J’y ai pleuré comme une madeleine, ai-je confié à une amie qui m’a dit qu’elle aussi, quand la grand-mère est morte, le problème c’est que moi je m’y suis mise dès l’ouverture sur l’île, avec l’appel de la mer (retranscrit selon moi d’une manière si poétique), pour la grand-mère, bon oui un peu. Et quand j’ai tourné ma tête du coté de mon mari, il avait lui aussi sa petite larme à l’œil (de me voir comme ça paraît-il).  Alors pour moi quelque soit la situation dans laquelle nous sommes pour le moment c’est impossible qu’un jour ne vienne pas une visite de ces endroits magnifiques avec Stella, quand ? Comment ? Je ne le sais pas mais un jour, un jour viendra…


mercredi 26 avril 2017

Retour au bercail

Shalimar entering Shelter Island, San Diego


Voilà cela fait presque 2 ans que je n’ai pas écrit. Tant de choses sont arrivées dans cet intervalle que ça va vous donner le tournis.

Tout d’abord nous avons décidé de revenir plus près des EU et de la famille. Il devenait trop difficile de travailler  à distance pour Ryan entre le décalage horaire et une longue absence de 5 ans. Plus Stella grandissait et plus vivre sur le bateau devenait compliqué notamment au niveau du bruit et de cette porte qui n’existait pas pour clore un peu son espace. Autant vivre dans un petit espace n’est pas compliqué quand on bouge tout le temps et passe son temps dehors autant ca devient compliqué dans une vie plus ‘rangée'. Le plan était de rapatrier  Shalimar par bateau container au Mexique et de profiter de la vie bon marché au Mexique afin de mettre de coté pour le prochain bateau.

Shalimar entering the partly submerged transport boat


Et puis, la vie s’en est mêlée. Ryan s’est vu proposer une très belle opportunité professionnelle qui pourra encore évoluer dans les prochaines années à San Diego. Entre le fait que le bateau ne nous semblait adéquat à notre nouveau rythme de vie et cette offre, il nous a semblé que tout pointait vers la Californie, la possibilité d’être plus près de la famille et pour Stella, de passer du temps avec ses grands-parents et cousins a fini de faire peser la balance vers un retour à San Diego.

Le bateau est arrivé sans encombre et s’était très émouvant de le voir entrer le port de San Diego après un si long voyage. Nous avons retrouvé avec plaisir notre petit port d’attache et quelques voisins toujours présents à la marina.

Nous étions heureux et soulagés car San Diego, on connaissait, on y avait nos attaches et se serait enfin plus simple…. Et bien tout change et la vie n’est jamais simple c’est ce qui la rend imprévisible, compliquée et belle.

Nous sommes rentrés dans une ville qui avait changé ou bien est-ce nous qui avions changé ? Nos amis ont continué à vivre sans nous et ce n’était pas toujours simple de retrouver ‘notre place’. Cette ville était le territoire d’un jeune couple quand nous sommes partis et il a fallu y faire cohabiter la vie de couple, de famille et professionnelle.
En janvier 2016, ma grand-mère s’en est allée, en pleine demande de Green Card ce qui ne rendait pas simple un départ pour la France et j’ai fait le choix de ne pas y aller, un choix qu’il m’a fallu accepter pendant les mois qui ont suivis. Elle restera pour moi cette femme secrète avec une histoire compliquée. J’espère qu’elle a rejoint d’une manière ou d’une autre ses deux enfants partis avant elle.
Quelques mois plus tard j’ai appris que je n’allais pas avoir de poste à l’école dans laquelle j'avais travaillé auparavant pour l’année suivante, là encore le monde avait continué de vivre et ne m’avait pas attendu, peu importe le bon travail que j’avais effectué auparavant, de l’eau avait passé sous les ponts...
Il m’a fallu du temps pour appréhender ce changement de vie, pour accepter de repartir de zéro même dans un endroit familier, pour accepter les non-dits familiaux qui resteront des secrets jusqu'au bout et pour retrouver mon équilibre dans ce nouveau monde terrestre et pourtant encore instable sous mes pieds.  Du temps pour réécrire ce blog, trouver quoi dire, comment le dire. Enfin du temps pour planter mes racines, nos racines…


Je m’étais souvent demandé pourquoi les blogs de voyage que je lisais s’arrêtaient si abruptement, ce qui se passait après, pourquoi personne n’en parlait. Bien sûr j’avais mon idée sur le fait que personne ne le faisait car ce n’était pas très intéressant (visa, train-train quotidien...) et si la vie de tous les jours tout le monde la connaît, je trouve le travail à faire sur soi très profond et le choc des cultures, un clash de 10 sur l’échelle de Richter. Pourtant après 6 mois, nous avons trouvé une nouvelle orientation à notre vie et plus d’un an après ce changement, je peux dire que nous avons retrouvé un équilibre et nous essayons de profiter un maximum de ce que nous offre la vie à terre, dans une grande ville et proche de la famille. Ce que l’avenir nous réserve je ne le sais pas, les voyages seront toujours partis intégrantes de notre vie et après un an sans sortir du territoire Américain, ça nous démange ! Stella nous demande souvent quand nous irons en Nouvelle Zélande ou en France, bientôt, ma petite voyageuse, bientôt…